Question 71

LE CATÉCHISME ET L’EXORCISME

1. Le catéchisme doit-il précéder le baptême ? - 2. L’exorcisme doit-il précéder le baptême ? - 3. Ce qui se fait dans l’exorcisme a-t-il une efficacité ou seulement valeur de signe ? - 4. Est-ce le prêtre qui doit catéchiser et exorciser les candidats au baptême ?

Article 1

Le catéchisme doit-il précéder le baptême ?

Objections : 1. Le baptême fait renaître l’homme à la vie spirituelle. Mais on reçoit la vie avant de recevoir l’enseignement. Donc l’homme n’a pas à être catéchisé avant d’être baptisé.

2. Le baptême est conféré non seulement aux adultes, mais aussi aux enfants, qui ne peuvent recevoir aucun enseignement, du fait qu’ils n’ont pas l’usage de la raison. Il est donc ridicule de les catéchiser.

3. Dans le catéchisme le catéchumène confesse sa foi. Mais les enfants ne peuvent confesser leur foi, ni par eux-mêmes ni par un autre, parce que personne ne peut engager autrui, et parce que l’on ne peut savoir si l’enfant, arrivé à l’âge voulu, donnera son assentiment à cette foi. Le catéchisme ne doit donc pas précéder le baptême.

En sens contraire, Raban Maur affirme " Avant le baptême, il faut catéchiser le candidat, afin que le catéchumène reçoive les premiers rudiments de la foi. "

Réponse : Le baptême, nous l’avons dit. est le " sacrement de la foi ", puisqu’il est une profession de foi chrétienne. Mais pour recevoir la foi, il faut en être instruit, selon S. Paul (Rm 10, 14) : " Comment croire en celui dont on n’a pas entendu parler ? Et comment entendre sans prédicateur ? " Aussi convient-il que le baptême soit précédé par le catéchisme. Et c’est pourquoi le Seigneur, donnant aux disciples l’ordre de baptiser, leur commande d’enseigner avant de baptiser, quand il dit (Mt 28, 19) : " Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant, etc. "

Solutions : 1. La vie de la grâce, qui nous régénère, présuppose la vie de la nature raisonnable, qui permet à l’homme de recevoir l’instruction.

2. La Mère Église, nous l’avons dit, prête aux petits enfants les pieds des autres pour qu’ils viennent au baptême, et leur cœur pour qu’ils croient ; elle leur prête aussi les oreilles des autres pour qu’ils entendent, et leur intelligence pour qu’ils soient instruits par les autres. Il faut donc les catéchiser de même qu’il faut les baptiser.

3. Celui qui répond pour l’enfant baptisé : " je crois ", ne prédit pas que l’enfant croira une fois arrivé à l’âge adulte ; autrement, il dirait : "Il croira. " Mais il professe au nom de l’enfant la foi de l’Église, foi à laquelle celui-ci est associé, dont le sacrement lui est conféré, et à laquelle il s’engage par un autre. Car il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’on soit engagé par un autre en ce qui est nécessaire au salut. De même, le parrain qui répond pour l’enfant promet qu’il donnera tous ses soins pour que l’enfant garde sa foi. Mais cela ne suffirait as dans le cas d’adultes jouissant de leur raison.

Article 2

L’exorcisme doit-il précéder le baptême ?

Objections : 1. L’exorcisme est destiné aux énergumènes, c’est-à-dire aux possédés. Mais tous les catéchumènes ne sont pas possédés. L’exorcisme ne doit donc pas précéder le baptême.

2. Aussi longtemps que l’homme est dans le péché, le démon a pouvoir sur lui, puisque " celui qui commet le péché est esclave du péché " (Jn 8, 34). Mais le baptême efface le péché. Il n’y a donc pas lieu d’exorciser ceux qui vont être baptisés.

3. L’eau bénite a été instituée pour écarter la puissance du démon. Il n’y a donc pas à utiliser pour cela ces autres remèdes que sont les exorcismes.

En sens contraire, le pape Célestin dit " Que ce soient des petits enfants, ou des jeunes gens qui se présentent au sacrement de la régénération, qu’ils n’approchent pas de la fontaine de vie avant que l’esprit immonde ait été chassé loin d’eux par les exorcismes et les exsudations des clercs. "

Réponse : Quiconque veut accomplir sagement une œuvre, commence par écarter les obstacles qui s’y opposent : " Défrichez vos jachères, dit Jérémie (4, 3), et ne semez pas dans les épines. " Le diable est l’ennemi du salut des hommes, salut que le baptême leur assure, et il a un certain pouvoir sur les hommes parce qu’ils sont sous l’empire du péché, originel ou actuel. Il convient donc avant le baptême de chasser les démons par les exorcismes, pour qu’ils ne fassent pas obstacle au salut de l’homme.

C’est cette expulsion que signifie l’exsufflation. La bénédiction, avec l’imposition des mains, ferme au démon expulsé le chemin du retour. Le sel mis dans la bouche, et la salive dont on touche le nez et les oreilles, signifient que les oreilles reçoivent la foi, que les narines en approuvent le parfum, et que la bouche le confesse. Quant à l’onction d’huile, elle signifie la force de l’homme pour lutter contre les démons.

Solutions : 1. On appelle énergumènes ceux qui souffrent en eux-mêmes d’une action extérieure du démon. Et bien que tous ceux qui s’approchent du baptême ne soient pas l’objet de telles vexations corporelles, cependant tous les non-baptisés sont soumis au pouvoir du démon, au moins à cause du péché originel.

2. L’ablution baptismale délivre l’homme du pouvoir du démon, en tant que celui-ci l’empêche de parvenir à la gloire. Mais les exorcismes en délivrent en tant qu’il empêche de recevoir le sacrement.

3. L’eau bénite est employée contre les attaques du démon qui viennent de l’extérieur, mais l’exorcisme est dirigé contre celles qui viennent du dedans ; aussi appelle-t-on énergumènes, c’est-à-dire " travaillés intérieurement ", ceux qu’on exorcise.

On peut dire encore ceci : de même que la pénitence est un second remède contre le péché, puisque le baptême ne se renouvelle pas, ainsi l’eau bénite est un second remède contre les attaques du démon, puisque les exorcismes du baptême ne se renouvellent pas.

Article 3

Ce qui se fait dans l’exorcisme a-t-il une efficacité ou seulement valeur de signe ?

Objections : 1. Si un enfant meurt après les exorcismes, et avant le baptême, il n’obtient pas le salut. Mais l’effet des rites sacramentels est ordonné au salut de l’homme (Mc 16,16) : " Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. " Donc les exorcismes n’ont aucun effet, et ne sont que des signes.

2. Pour le sacrement de la foi nouvelle, deux choses seulement sont requises : qu’il soit signe, et qu’il soit cause, comme on l’a dit plus haut. Par conséquent si les exorcismes avaient quelque efficacité, chacun d’eux serait un sacrement.

3. Puisque l’exorcisme prépare au baptême, si l’exorcisme a quelque effet, celui-ci prépare à l’effet du baptême. Mais la disposition précède nécessairement la forme parfaite, puisque la forme n’est reçue que dans une matière déjà disposée. Il s’ensuivrait donc que personne ne pourrait recevoir l’effet du baptême sans avoir auparavant reçu les exorcismes, ce qui est manifestement faux. Les exorcismes n’ont donc aucun effet.

4. Certains exorcismes se font avant le baptême, d’autres après, comme l’onction faite par le prêtre sur la tête du baptisé. Mais ce qui se fait après le baptême n’a, semble-t-il, aucune efficacité, puisque alors l’effet du baptême lui-même serait imparfait. Donc les exorcismes qui se font avant le baptême n’ont aucune efficacité eux non plus.

En sens contraire, S. Augustin dit : " On souffle sur les petits enfants et on les exorcise, pour chasser d’eux la puissance hostile du diable qui a trompé l’homme. " Comme l’Église ne fait rien d’inutile, ces exsudations ont pour effet de chasser la puissance du démon.

Réponse : Certains disent que les exorcismes n’ont aucune efficacité, et ne sont que des signes. Mais cela est évidemment faux, puisque l’Église, dans les exorcismes, use de paroles impératives pour chasser la puissance du démon, par exemple quand elle dit : " Donc, diable maudit, sors de cet homme, etc. "

Il faut donc dire que ces rites ont une certaine efficacité, mais différente de celle du baptême lui-même. Car le baptême donne à l’homme la grâce par la pleine rémission de ses fautes. Mais les rites de l’exorcisme écartent un double obstacle qui s’oppose à la réception de la grâce du salut. De ces obstacles, l’un est extérieur : c’est le démon qui s’efforce d’empêcher le salut de l’homme. Cet obstacle est écarté par l’exsufflation, qui repousse le pouvoir du démon, comme le montre l’autorité alléguée de S. Augustin, pour qu’il n’empêche pas de recevoir le sacrement. Mais le pouvoir du démon sur l’homme subsiste par la tache du péché et la dette de la peine, aussi longtemps que le baptême ne les a pas enlevées. C’est pourquoi S. Cyprien dit : " Sache que la malice du démon peut se maintenir jusqu’à l’eau salutaire, mais le baptême écarte toute malice. "

L’autre obstacle est intérieur, en ce sens que, imprégnés par le péché originel, nos sens sont fermés à la réception des mystères du salut. Aussi Raban Maur dit-il : " Par la salive symbolique et le toucher du prêtre, la sagesse et la puissance de Dieu opèrent le salut des catéchumènes en ouvrant leurs narines pour qu’elles perçoivent le parfum de la connaissance de Dieu, en ouvrant leurs oreilles pour qu’elles écoutent les commandements de Dieu, en ouvrant leur sens pour qu’ils y répondent du fond du cœur. "

Solutions : 1. Les rites de l’exorcisme n’enlèvent pas la faute dont l’homme sera puni après la mort, ils enlèvent seulement les obstacles à la rémission de cette faute par le sacrement. Aussi l’exorcisme sans le baptême n’a-t-il aucune valeur après la mort.

Prévôtin dit que les enfants qui ont reçu l’exorcisme, et qui mourraient avant le baptême, souffriront de ténèbres moins profondes. Mais cela ne paraît pas être vrai, car ces ténèbres sont la privation de la vision de Dieu, laquelle ne comporte pas de plus ou de moins.

2. Il est essentiel au sacrement de produire son effet principal, la grâce, qui remet la faute ou supplée à quelque défaut. Mais cela, les exorcismes ne le font pas ; ils ne font que supprimer les obstacles. Aussi ne sont-ils pas des sacrements, mais seulement des sacramentaux.

3. La disposition qui suffit pour recevoir la grâce baptismale, c’est la foi et l’intention, celle du baptisé s’il est adulte, celle de l’Église si c’est un petit enfant. Mais les rites de l’exorcisme sont ordonnés à la disparition des obstacles, et on peut sans eux obtenir l’effet du baptême.

Il ne faut pourtant pas les omettre hors le cas de nécessité. Et alors, le péril passé, il faut les suppléer, pour que soit gardée l’uniformité du baptême. Et cette suppléance après le baptême n’est pas inutile, car de même que l’effet du baptême peut être empêché avant qu’on le reçoive, il peut l’être aussi après qu’on l’aura reçu.

4. Des cérémonies qui suivent le baptême, certaines sont non seulement des signes mais aussi des causes : ainsi l’onction sur la tête, qui est destinée à conserver la grâce baptismale. D’autres ne sont que des signes, sans efficacité : par exemple le vêtement blanc, qui signifie la vie nouvelle.

Article 4

Est-ce le prêtre qui doit catéchiser et exorciser les candidats au baptême ?

Objections : 1. Le rôle du ministre, selon Denys est de s’occuper des " impurs ". Or les catéchumènes, qui sont instruits ou catéchisés, et les énergumènes, que purifient les exorcismes, sont au nombre des impurs, dit encore Denys. Donc le catéchisme et les exorcismes appartiennent à l’office des ministres, non des prêtres.

2. Les catéchumènes sont instruits des vérités de la foi par la Sainte Écriture, qui est lue à l’église par les ministres : les lecteurs font les lectures de l’Ancien Testament, les diacres et les sous-diacres celles du Nouveau. Ainsi appartient-il aux ministres de catéchiser. - De même l’exorcisme appartient aux ministres. Isidore écrit : "L’exorciste doit retenir par cœur les exorcismes, et imposer les mains sur les énergumènes et les catéchumènes au cours de la cérémonie. " Il n’appartient donc pas au prêtre de catéchiser et d’exorciser.

3. Catéchiser, c’est enseigner, et enseigner, c’est perfectionner. Or cela est réservé aux évêques, selon Denys. Cela n’appartient donc pas au prêtre.

En sens contraire, le pape Nicolas écrit : " Les prêtres de chaque église peuvent faire le catéchisme à ceux qui doivent être baptisés. " Et S. Grégoire : " Quand les prêtres, par la grâce de l’exorcisme, imposent les mains aux croyants, que font-ils d’autre que de chasser le démon ?"

Réponse : Le ministre est par rapport au prêtre comme l’agent secondaire et instrumental par rapport à l’agent principal ; c’est ce qu’indique le nom même de ministre. Or l’agent secondaire, en produisant l’œuvre, n’agit pas en dehors de l’agent principal. Et plus l’œuvre est excellente, plus l’agent principal a besoin d’agents de haute qualité. Or c’est une œuvre plus haute pour le prêtre de conférer le sacrement lui-même que de préparer au sacrement. Aussi les ministres supérieurs, qu’on appelle diacres, coopèrent avec le prêtre dans l’administration même des sacrements ; comme dit Isidore " Il appartient au diacre d’assister les prêtres et de les servir en tout ce qui se fait dans les sacrements du Christ, c’est-à-dire le baptême, le chrême, la patène, et le calice. " Mais les ministres inférieurs coopèrent avec le prêtre en tout ce qui prépare au sacrement, les lecteurs pour le catéchisme, les exorcistes pour les exorcismes.

Solutions : 1. Les ministres exercent sur les impurs une action ministérielle et quasi instrumentale, mais le prêtre exerce l’action principale.

2. Les lecteurs et les exorcistes sont chargés d’enseigner et de catéchiser, non à titre principal, mais comme étant au service du prêtre.

3. Il y a diverses sortes d’instruction. L’une est destinée à convertir à la foi, et Denys l’attribue à l’évêque ; mais elle peut revenir à n’importe quel prédicateur, ou même à n’importe quel fidèle. - Une autre enseigne les rudiments de la foi et la manière de recevoir les sacrements ; elle incombe secondairement aux ministres, et principalement aux prêtres. - Une autre encore enseigne à vivre chrétiennement, et celle-là revient aux parrains. La quatrième enfin enseigne les profondeurs des mystères de la foi et la perfection de la vie chrétienne. Et celle-là, d’office, appartient aux évêques.