Question 19

LA VOLONTÉ DE DIEU

Post considerationem eorum quae ad divinam scientiam pertinent, considerandum est de his quae pertinent ad voluntatem divinam : ut sit prima consideratio de ipsa Dei voluntate (Q. 19) ; secunda, de his quae ad voluntatem absolute pertinent (Q. 20-21) ; tertia, de his quae ad intellectum in ordine ad voluntatem pertinent (Q. 22-24).

1. Y a-t-il une volonté en Dieu ? - 2. Dieu veut-il autre chose que lui-même ? - 3. Tout ce que Dieu veut, le veut-il nécessairement ? - 4. La volonté de Dieu est-elle cause des choses ? - 5. Peut-on attribuer une cause à la volonté divine ? - 6. La volonté divine s’accomplit-elle toujours ? - 7. La volonté de Dieu est-elle sujette au changement ? - 8. La volonté de Dieu rend-elle nécessaires les choses qu’elle veut ? - 9. Y a-t-il en Dieu la volonté des choses mauvaises ? - 10. Dieu a-t-il le libre arbitre ? - 11. Doit-on distinguer en Dieu une “ volonté de signe ” ? - 12. Convient-il de proposer cinq signes de la volonté divine ?

Article 1

Y a-t-il une volonté en Dieu ?

Objections : 1. Il semble qu’en Dieu il n’y ait pas de volonté. Car l’objet de la volonté, c’est la fin, c’est le bien. Or on ne saurait assigner à Dieu une fin. Donc il n’y a pas en lui de volonté.

2. La volonté est une faculté de désir. Or le désir, relatif à ce qu’on n’a pas, marque une imperfection qui ne convient pas à Dieu.

3. D’après le Philosophe, la volonté est un moteur mû ; or Dieu est le premier moteur immobile, comme le prouve Aristote lui-même. Donc il n’y a pas de volonté en Dieu.

En sens contraire, l’Apôtre écrit (Rm 12, 2) : “ Sachez reconnaître quelle est la volonté de Dieu. ”

Réponse : Il y a en Dieu une volonté comme il y a en lui un intellect, car la volonté est consécutive à l’intelligence. En effet, comme une chose de la nature est en acte par sa forme, ainsi l’intelligence, par la forme intelligible, est en acte par le connu. Or, toute chose est à l’égard de sa forme naturelle dans un rapport tel que si elle n’a pas cette forme, elle y tend ; et quand elle l’a, elle s’y repose. Il en est de même de toute perfection naturelle, qui est un bien de nature ; et cette relation au bien, dans les choses privées de connaissance, est appelée appétit naturel. Ainsi la nature intellectuelle a une relation semblable au bien qu’elle appréhende par le moyen de la forme intelligible, de telle sorte que si elle a ce bien, elle s’y repose, et si elle ne l’a pas, elle le cherche. Or, se reposer dans le bien, comme le chercher, relève de la volonté. Aussi, en toute créature douée d’intelligence y a-t-il une volonté, de même qu’en toute créature douée de sensation il y a un appétit animal. Ainsi, en Dieu, il faut qu’il y ait une volonté, puisqu’il y a en lui une intelligence. Et comme son intellection est son être même, ainsi en est-il de son vouloir.

Solutions : 1. Bien que rien d’extérieur à Dieu ne soit une fin pour lui-même, lui-même est la fin pour toutes les choses qui sont faites par lui. Et cela par essence, puisqu’il est bon par son essence, ainsi qu’on l’a montré précédemment. La fin, en effet, est formellement ce qui est bon.

2. La volonté appartient en nous à la partie appétitive. Celle-ci, bien qu’elle tire son nom du désir, n’a pas pour acte unique de désirer ce qu’elle n’a pas, mais aussi d’aimer ce qu’elle a et d’en jouir. Et c’est sous cet aspect que la volonté est attribuée à Dieu, car elle a toujours le bien qui est son objet puisqu’il ne diffère pas de Dieu selon l’essence, comme on l’a dit dans la solution précédente.

3. Une volonté dont l’objet principal est un bien extérieur à celui qui veut doit être mue par quelque cause. Mais l’objet de la volonté divine est sa bonté même, qui est son essence. C’est pourquoi, puisque la volonté de Dieu, aussi, est son essence, ce n’est pas par un autre que soi, c’est par elle-même qu’elle est mue, dans le sens où l’on dit que connaître intellectuellement et vouloir sont des mouvements. C’est en ce sens que Platon a dit du premier Principe qu’il se meut lui-même.

Article 2

Dieu veut-il autre chose que lui-même ?

Objections : 1. Il semble que non. Car son vouloir est identique à son être. Or Dieu n’est pas autre chose que lui-même. Donc il ne veut pas autre chose que lui-même.

2. Ce qui est voulu meut la volonté, comme l’objet désiré meut le désir, selon Aristote. Donc, si Dieu veut autre chose que lui, sa volonté sera mise en mouvement par quelque chose d’autre, ce qui est impossible.

3. Toute volonté à qui suffit un objet voulu ne recherche rien d’autre. Mais à Dieu suffit sa bonté, et sa volonté en est rassasiée. Donc Dieu ne veut rien d’autre que lui-même.

4. L’acte de volonté est multiplié selon la multiplicité des objets voulus. Donc, si Dieu veut et lui-même et d’autres choses, il s’ensuit que son acte de volonté est multiple, et par suite aussi son être, qui est son vouloir. Or cela est impossible. Il ne veut donc pas autre chose que lui-même.

En sens contraire, l’Apôtre écrit (1 Th 4, 3) : “ Voici quelle est la volonté de Dieu : votre sanctification. ”

Réponse : Il faut dire que Dieu veut non seulement lui-même, mais aussi d’autres choses. On le voit par la comparaison proposée précédemment. Un objet de nature n’a pas seulement une inclination naturelle à l’égard de son propre bien, pour l’acquérir lorsqu’il lui fait défaut ou pour s’y reposer lorsqu’il le tient, mais encore pour le communiquer à d’autres autant qu’il est possible. Aussi voyons-nous que tout agent, pour autant qu’il est en acte et achevé, produit son semblable 2. Donc la raison formelle de bonté comprend ceci : que chacun communique à d’autres le bien qu’il a, autant qu’il est possible. Et cela convient principalement à la volonté divine, d’où toute perfection provient selon quelque ressemblance. Ainsi donc, si les choses naturelles, dans la mesure où elles sont achevées, communiquent leur bonté à d’autres, bien plus encore appartient-il à la volonté divine de communiquer à d’autres son bien par manière de ressemblance, autant que c’est possible. Dieu veut donc et que lui-même et que les autres choses soient, lui-même étant la fin, les autres étant ordonnées à la fin, en tant qu’il appartient aussi à la bonté divine, par mode de convenance, d’être participée par d’autres.

Solutions : 1. Bien que le vouloir de Dieu soit son être en réalité, il en diffère pourtant conceptuellement, en raison des manières différentes dont nous connaissons et signifions l’un et l’autre, ainsi qu’on l’a vu. Quand je dis que Dieu est, cette affirmation ne comporte pas une relation à quelque chose, comme lorsque je dis : Dieu veut. En conséquence, bien que Dieu ne soit pas autre que lui-même, il veut pourtant autre chose que lui-même.

2. Dans les choses que nous voulons en vue d’une fin, c’est dans la fin que se trouve tout le principe du mouvement, et c’est elle qui meut la volonté. On le voit clairement dans le cas des choses qui ne sont voulues qu’en raison de la fin. Par exemple, celui qui veut prendre une potion amère, ne veut rien d’autre que la santé. Il en va autrement pour celui qui prend une potion agréable, qu’il peut vouloir, non seulement pour la santé, mais pour elle-même. Ainsi donc puisque c’est en vue de cette fin qu’est sa propre bonté que Dieu veut des choses autres que lui-même, comme on vient de le dire, il ne s’ensuit pas que quelque chose d’autre que sa bonté meuve sa volonté. Et ainsi, de même que Dieu connaît les autres êtres en se connaissant lui-même, il veut aussi tout le reste en voulant sa propre bonté.

3. De ce que la bonté de Dieu suffit à sa volonté il ne s’ensuit pas qu’il ne veuille rien d’autre, mais bien qu’il ne veut rien qu’en raison de sa bonté. De même que l’intelligence divine bien qu’elle ait toute sa perfection en cela même qu’elle connaît l’essence divine, n’en connaît pas moins dans cette essence les autres choses.

4. De même que l’intellection divine est une, parce qu’elle ne voit une multitude de choses que dans l’un, ainsi le vouloir divin est un et simple parce qu’il ne veut une multitude de choses que comprises en une, sa bonté.

Article 3

Tout ce que Dieu veut, le veut-il nécessairement ?

Objections : 1. Il semble bien que Dieu veuille nécessairement tout ce qu’il veut. Car tout ce qui est éternel est nécessaire, et tout ce que Dieu veut, il le veut éternellement, sans quoi sa volonté serait changeante.

2. Dieu veut les choses autres que lui en tant qu’il veut sa propre bonté. Mais Dieu veut sa bonté nécessairement. Donc il veut tout le reste nécessairement.

3. Tout ce qui est naturel à Dieu est nécessaire ; car il est par soi l’être nécessaire et le principe de toute nécessité, ainsi qu’on l’a montré. Or il lui est naturel de vouloir tout ce qu’il veut, car en lui rien ne peut être hors de sa nature, dit Aristote. Donc tout ce qu’il veut, il le veut par nécessité.

4. N’être pas nécessaire et pouvoir ne pas être sont des propositions équivalentes. Donc, s’il n’est pas nécessaire que Dieu veuille une des choses qu’il veut, il est possible qu’il ne veuille pas cette choselà et il est possible encore qu’il la veuille, puisqu’il la veut. Donc la volonté de Dieu est contingente à l’égard du vouloir et du nonvouloir de cette chose. Ainsi elle est imparfaite car tout ce qui est contingent est imparfait.

5. D’une cause qui peut indifféremment faire ceci ou son contraire, nulle action ne sort, à moins qu’elle ne soit poussée à l’un des deux par l’action d’une autre. Donc, si la volonté de Dieu est indifférente à l’égard de certains vouloirs il s’ensuit qu’elle est déterminée à produire tel effet par quelque agent étranger, et ainsi qu’elle a une cause antérieure à elle.

6. Tout ce que Dieu sait, il le sait nécessairement. Mais, de même que la science de Dieu est son essence même, ainsi sa volonté. Donc tout ce que Dieu veut, il le veut nécessairement.

En sens contraire, l’Apôtre dit de Dieu (Ep 1, 11) : “ Il opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté. ” Or, ce que nous opérons d’après une délibération volontaire, nous ne le voulons pas nécessairement. Donc Dieu ne veut pas nécessairement tout ce qu’il veut.

Réponse : Quelque chose est dit nécessaire en deux sens : absolument, et conditionnellement. Quelque chose est jugé absolument nécessaire selon la relation des termes de la proposition qui l’exprime : que le prédicat appartienne à la définition du sujet, comme il est nécessaire que l’homme soit un animal ; ou bien que le sujet entre dans la notion du prédicat, comme il est nécessaire qu’un nombre soit pair ou impair. Mais il n’est pas nécessaire de cette façon que Socrate soit assis ; aussi n’est-ce pas nécessaire absolument parlant ; mais cela peut être dit nécessaire conditionnellement ; car à supposer qu’il soit assis, il est nécessaire qu’il soit assis lorsqu’il est assis.

Au sujet des vouloirs divins, on doit donc considérer qu’il est nécessaire absolument, qu’il y ait un bien qui soit voulu pour lui-même par Dieu, mais cela n’est pas vrai de tout ce qu’il veut. En effet, la volonté divine a un rapport nécessaire avec la bonté divine qui est son objet propre. Dieu veut donc nécessairement que sa bonté soit, comme notre volonté veut nécessairement la béatitude, comme du reste toute autre faculté de l’âme a un rapport nécessaire à son objet propre et principal, par exemple la vue à la couleur ; car il est de sa nature même qu’elle y tende. Mais les choses autres que lui, Dieu les veut en tant qu’elles sont ordonnées à sa bonté comme à leur fin. Or les choses qui sont ordonnées à une fin, nous ne les voulons pas nécessairement en voulant la fin, à moins qu’elles ne soient telles que sans elles la fin ne puisse être : ainsi, voulant conserver la vie, nous voulons nous nourrir et voulant faire une traversée, nous voulons un navire. Mais nous ne voulons pas aussi nécessairement les choses sans lesquelles la fin peut être atteinte, comme un cheval pour voyager ; car sans cheval on peut faire sa route, et il en est ainsi de tout le reste. Aussi, puisque la bonté de Dieu est parfaite et peut être sans les autres choses, puisque sa perfection ne s’accroît en rien par les autres, il s’ensuit que vouloir d’autre choses que lui-même n’est pas pour Dieu nécessaire absolument. Cela est pourtant nécessaire conditionnellement ; car à supposer qu’il veuille, Dieu ne peut pas ne pas vouloir, parce que sa volonté ne peut pas changer.

Solutions : 1. De ce que Dieu veut éternellement quelque chose, il ne s’ensuit pas qu’il le veuille nécessairement, si ce n’est pas conditionnellement.

2. Bien que Dieu veuille nécessairement sa bonté, il ne veut pas nécessairement les choses qu’il veut en vue de sa bonté ; car sa bonté peut être sans les autres choses.

3. Ce n’est pas naturellement que Dieu veut n’importe laquelle de ces autres choses qu’il ne veut pas nécessairement ; cela n’est pas non plus contre sa nature, c’est volontaire.

4. Il arrive qu’une cause nécessaire en elle-même ait un rapport non nécessaire à tel de ses effets, et cela par le défaut de l’effet, non par la défaillance de la cause. Ainsi la vertu du soleil a un rapport non nécessaire à tel effet contingent d’ici-bas, non par la défaillance de la vertu solaire, mais par celle de l’effet, qui procède de cette cause non nécessairement. De même, que Dieu veuille non nécessairement certaines des choses qu’il veut, cela ne vient pas d’une défaillance de la volonté divine, mais d’un défaut qui affecte par nature la chose voulue : à savoir qu’elle est telle que, sans elle, la parfaite bonté de Dieu peut être. Or tout bien créé comporte ce défaut-là.

5. Une cause contingente par elle-même a besoin d’être déterminée à son effet par quelque chose d’extérieur. Mais la volonté divine, qui de soi est nécessaire, se détermine d’elle-même à vouloir un bien auquel elle a un rapport non nécessaire.

6. De même que l’être divin, le vouloir divin et le savoir divin sont en eux-mêmes nécessaires ; mais, alors que le savoir divin a un rapport nécessaire aux choses qu’il sait, il n’en est pas de même du vouloir à l’égard des choses voulues. La raison en est qu’on a la science des choses selon que les choses sont dans le sujet qui connaît ; au contraire, la volonté a rapport aux choses selon qu’elles sont en elles-mêmes. Donc, parce que toutes les choses autres que Dieu ont un être nécessaire selon qu’elles sont en Dieu, mais non selon qu’elles sont en elles-mêmes, en raison de cela toutes les choses que Dieu sait, il les sait nécessairement ; mais toutes les choses qu’il veut, il ne les veut pas nécessairement.

Article 4

La volonté de Dieu est-elle cause des choses ?

Objections : 1. Il semble que non, car Denys écrit : “ De même que notre soleil illumine par son être même, non par raisonnement et par choix, toutes les choses qui veulent participer de sa lumière : ainsi le bien divin, par son essence même, projette sur tous les existants les rayons de sa bonté. ” Or, agir par volonté, c’est agir par raisonnement et par choix. Donc Dieu n’agit point par volonté, et ainsi sa volonté n’est pas cause des choses.

2. En tout ordre de choses, ce qui est tel par essence est toujours premier ; ainsi, parmi les choses ignées, il y en a une qui est première, celle qui est le feu par essence. Or Dieu est l’agent premier. Donc il agit par son essence, qui est sa nature. Il agit donc par nature et non par volonté. La volonté divine n’est donc pas cause des choses.

3. Tout ce qui est cause d’un effet par cela qui fait qu’il est tel, est cause par nature et non par volonté : car le feu par exemple est cause de l’échauffement parce qu’il est chaud ; au contraire l’artisan est cause de la maison parce qu’il veut la faire. Or Augustin écrit : “ Parce que Dieu est bon, nous sommes. ” Donc Dieu est cause des choses par nature et non par volonté.

4. Une même chose ne peut avoir qu’une cause. Or on a établi plus haut que la science de Dieu est cause des choses créées. Donc on ne doit pas dire que la volonté de Dieu en soit la cause

En sens contraire, il est écrit au livre de la Sagesse (11, 25) : “ Comment une chose pourrait elle subsister, si tu ne l’avais voulue ? ”

Réponse : Il est nécessaire de dire que la volonté de Dieu est la cause des choses, et que Dieu agit par volonté, non par nécessité de nature comme certains l’ont pensé. On peut le montrer de trois façons.

1. A partir de l’ordre des causes agentes. Comme “ l’intelligence et la nature ” agissent l’une et l’autre en vue d’une fin, ainsi que le prouve Aristote, il est nécessaire qu’à celui qui agit par nature, soient déterminés d’avance par une intelligence supérieure la fin et les moyens nécessaires à cette fin. Ainsi, à la flèche sont fixés d’avance, par l’archer, et sa cible et son trajet. Aussi est il nécessaire que dans l’ordre des agents, celui qui est intellectuel et volontaire soit premier par rapport à celui qui agit par nature. Et comme le premier dans l’ordre des agents est Dieu, il est nécessaire qu’il agisse par intelligence et par volonté.

2. A partir de la raison formelle d’agent naturel, auquel il appartient de produire un seul effet ; car la nature, à moins d’empêchement, opère toujours de la même manière. La raison en est que l’agent naturel agit selon qu’il est tel, de sorte que, tant qu’il demeure tel, il ne produit que tel effet. Or, tout étant qui agit par nature a un être limité. Donc, puisque l’être de Dieu n’est pas limité, mais contient en lui toute la perfection de l’être, il est impossible qu’il agisse par nécessité de nature à moins qu’il ne cause quelque chose d’illimité et d’infini dans l’être, ce qui est impossible, comme il ressort de ce qui précède. Dieu n’agit donc point par nécessité de nature ; mais des effets limités procèdent de son infinie perfection, selon la détermination que leur imposent sa volonté et son intelligence.

3. A partir du rapport de l’effet à sa cause. Car les effets procèdent de leur cause agente selon qu’ils préexistent en elle, parce que tout agent produit son semblable. Or les effets préexistent dans leur cause selon la manière d’être de cette cause. Aussi, puisque l’être de Dieu est son intellection même, ses effets préexistent-ils en lui intelligiblement. Et par conséquent, il procèdent de lui selon l’intelligence. Et ainsi donc, selon la volonté, car l’impulsion à faire ce qui a été conçu par l’intelligence relève de la volonté. La volonté de Dieu est donc cause des choses.

Solutions : 1. Denys n’entend pas refuser à Dieu le choix de façon absolue, mais de façon relative : en ce que sa bonté se communique non seulement à quelques-uns, mais à tous. Il s’agit donc du choix selon qu’il implique une discrimination.

2. Parce que l’essence de Dieu est identique à son intellection et à son vouloir, de ce qu’il agit par son essence, il suit qu’il agit par mode d’intelligence et de volonté.

3. Le bien est l’objet de la volonté. Donc, lorsqu’on dit : “ Parce que Dieu est bon, nous sommes ”, cela signifie que sa bonté est en lui la raison de vouloir toutes les autres choses, ainsi qu’on l’a dit.

4. Même en nous, un unique effet a pour cause la science, qui conçoit la forme de l’œuvre, comme directrice, et la volonté comme motrice. Car la forme, selon qu’elle est dans l’intelligence seule, n’est déterminée que par la volonté à être ou ne pas être dans l’effet. Aussi l’intellect spéculatif ne dit-il rien du faire. Quant à la puissance, elle est cause comme exécutant ; car ce mot désigne le principe immédiat de l’opération. Mais tous ces attributs sont un en Dieu.

Article 5

Peut-on attribuer une cause à la volonté divine ?

Objections : 1. Il semble qu’on puisse attribuer une cause à la volonté divine. Car S. Augustin demande : “ Qui oserait dire que Dieu a tout créé sans raison ? ” Or, quand il s’agit d’un agent volontaire, ce qui est la raison d’agir est aussi la cause du vouloir. Donc la volonté de Dieu a une cause.

2. A tout ce que fait un agent volontaire qui n’a pas de cause de son vouloir, on ne peut attribuer d’autre cause que le vouloir de celui qui veut. Or la volonté de Dieu est cause de toutes choses, ainsi qu’on l’a montré. Donc, s’il n’y a aucune cause de sa volonté, il n’y aura pas d’autre cause à chercher pour tous les êtres de nature, sinon la seule volonté divine. Et ainsi toutes les sciences seraient superflues, elles qui s’efforcent de trouver les causes des effets. Cela ne semble pas admissible.

3. Ce qui est produit par un agent volontaire sans aucune cause dépend de sa seule volonté. Donc, si la volonté de Dieu n’a pas de cause, il s’ensuit que tout ce qui se produit dépend de sa simple volonté et n’a pas d’autre cause, ce qui ne peut non plus s’admettre.

En sens contraire, S. Augustin écrit : “ Toute cause efficiente est supérieure à ce qu’elle fait ; or rien n’est supérieur à la volonté divine ; il n’y a donc pas à en chercher la cause. ”

Réponse : On ne peut d’aucune manière attribuer une cause à la volonté divine. Pour s’en convaincre, il faut observer que, la volonté procédant de l’intelligence, être cause qu’une volonté veuille et qu’une intelligence connaisse, cela se fait de la même manière. Or ce qui se passe dans l’intellect, c’est que, s’il conçoit d’un côté le principe, et d’un côté la conclusion, l’intelligence du principe cause la science de la conclusion. Mais si l’intellect voyait directement la conclusion dans le principe, saisissant l’un et l’autre d’un seul regard, la science de la conclusion ne serait pas causée en lui par l’intelligence des principes, car le même n’est pas cause de soimême. Toutefois l’intellect comprendrait que les principes sont cause de la conclusion. Il en va de même pour la volonté, pour laquelle la fin est à l’égard des moyens ce que sont pour l’intelligence les principes à l’égard des conclusions. Par conséquent, si quelqu’un, par un acte, veut la fin, et par un autre acte les moyens, le vouloir de la fin sera pour lui la cause du vouloir des moyens. Mais si par un seul acte il veut la fin et les moyens relatifs à cette fin, cela ne pourra pas être, car le même n’est pas cause de soimême. Cependant, il sera vrai de dire que cet être veut ordonner les moyens à la fin.

Or, de même que Dieu, par un seul acte, voit toutes les choses dans son essence, ainsi par un seul acte veut-il tout dans sa bonté. Aussi, de même qu’en Dieu connaître la cause ne cause pas la connaissance des effets, mais il connaît les effets dans leurs causes, ainsi vouloir la fin n’est-il pas en Dieu cause qu’il veuille les moyens ; mais il veut que les moyens soient ordonnés à la fin. Il veut donc que ceci soit pour cela, mais ce n’est pas à cause de cela qu’il veut ceci.

Solutions : 1. La volonté de Dieu est raisonnable ; non en ce sens qu’il y aurait en Dieu une cause de son vouloir, mais en ce sens qu’il veut que telle chose soit en raison d’une autre.

2. Puisque Dieu veut que les effets soient de telle manière qu’ils proviennent de causes déterminées, afin que soit respecté l’ordre des choses, il n’est pas superflu de chercher d’autres causes outre la volonté de Dieu. Ce qui serait superflu, ce serait de chercher d’autres causes premières qui ne dépendraient pas de la volonté divine, et c’est ce que dit S. Augustin : “ La vanité des philosophes a voulu attribuer aux effets contingents d’autres causes, dans l’impuissance où ils étaient d’apercevoir la cause supérieure à toutes les causes : la volonté de Dieu. ”

3. Puisque Dieu veut que les effets soient par les causes, tous les effets qui présupposent un autre effet ne dépendent pas seulement de la volonté de Dieu, mais de quelque chose d’autre. Mais les premiers effets, eux, dépendent de la seule volonté de Dieu. Comme si nous disions : Dieu a voulu que l’homme ait des mains pour servir son intelligence en accomplissant toutes sortes d’œuvres ; il a voulu qu’il ait une intelligence pour être un homme ; il a voulu qu’il soit homme afin de pouvoir jouir de son Créateur, ou encore pour l’achèvement de l’univers. Mais ces dernières finalités ne se rapportent à nulle autre fin créée. De telles choses dépendent donc de la simple volonté de Dieu ; mais toutes les autres dépendent aussi de l’enchaînement d’autres causes.

Article 6

La volonté divine s’accomplit-elle toujours ?

Objections : 1. Il semble que non. En effet, l’Apôtre écrit (1 Tm 2, 4) : “ Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. ” Mais cela ne se passe pas ainsi. Donc la volonté de Dieu ne s’accomplit pas toujours.

2. Ce que la science est au vrai, la volonté l’est au bien. Or Dieu sait tout le vrai ; donc il veut tout ce qui est bon. Pourtant tout ce qui est bon ne se réalise pas ; beaucoup de choses bonnes peuvent être faites, qui ne sont pas faites. La volonté de Dieu n’est donc pas toujours accomplie.

3. La volonté de Dieu, cause première, n’exclut pas, a-t-on dit, les causes intermédiaires. Or l’effet de la Cause première peut être empêché par la défaillance de la cause seconde, comme il arrive lorsque l’effet de la vertu motrice de notre corps est empêché par la débilité de la jambe. Ainsi donc, l’effet de la volonté de Dieu peut être empêché par la défaillance des causes secondes. La volonté de Dieu ne s’accomplit donc pas toujours.

En sens contraire, le Psaume (115,3) dit : “ Tout ce que Dieu veut, il le fait. ”

Réponse : Il est nécessaire que la volonté de Dieu soit toujours accomplie. Pour le découvrir il faut observer que l’effet se conformant à l’agent selon sa forme, le rapport est le même dans la série des causes agentes et dans celle des causes formelles. Or l’ordre des causes formelles est tel que si un sujet peut bien, par sa défaillance, manquer d’une forme particulière, toutefois, à l’égard de la forme universelle, rien ne peut être manquant. Quelque chose, en effet, peut être, qui ne soit pas un homme ni un vivant, mais rien ne peut être qui ne soit pas un étant. Il faut donc qu’il en soit de même dans les causes agentes. Quelque chose, en effet, peut bien se produire qui échappe à l’ordre de quelque cause agente particulière ; mais non pas à l’ordre d’une cause universelle, sous l’action de laquelle toutes les causes particulières sont comprises. Parce que, si quelque cause particulière manque son effet, cela vient de l’empêchement que lui apporte une autre cause particulière, qui rentre dans l’ordre de la cause universelle. L’effet ne peut donc en aucune manière se soustraire à l’ordination posée par la cause universelle. Cela se voit même dans les réalités corporelles. Ainsi, l’effet d’un astre peut être empêché ; mais quel que soit l’effet produit par un empêchement de cette sorte, dans les réalités corporelles, cet effet se ramène nécessairement, par telles ou telles causes intermédiaires, à l’activité universelle du premier ciel.

Donc, puisque la volonté de Dieu est cause universelle à l’égard de toutes choses, il est impossible que la volonté de Dieu n’obtienne pas son effet. C’est pourquoi, ce qui semble s’écarter de la divine volonté dans un certain ordre y retombe dans un autre. Le pécheur, par exemple, autant qu’il est en lui, s’éloigne de la divine volonté en faisant le mal ; mais il rentre dans l’ordre de cette volonté par le châtiment que lui inflige la justice.

Solutions : 1. Cette parole de l’Apôtre : “ Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ”, etc. peut se comprendre de trois façons.

D’abord de telle sorte que l’affirmation distributive soit ainsi interprétée : “ Dieu veut que soient sauvés tous les hommes qui sont sauvés. ” Comme dit S. Augustin : “ Non pas qu’il n’y ait pas d’hommes dont il ne veuille pas le salut, mais aucun homme n’est sauvé dont il ne veuille pas le salut. ”

Deuxièmement, on peut comprendre cette distribution en l’appliquant aux catégories d’individus, mais non aux individus de ces catégories, dans le sens suivant : “ Dieu veut que des hommes soient sauvés dans toutes les catégories : hommes et femmes, Juifs et païens, grands et petits, sans qu’il veuille sauver tous ceux qui appartiennent à ces catégories. ”

Troisièmement, selon le Damascène, ce texte se comprend de la volonté antécédente, non de la volonté conséquente. Cette distinction ne se prend pas du côté de la volonté divine elle-même, dans laquelle il n’y a ni avant ni après, mais du côté des choses voulues. Pour le comprendre, il faut considérer que toute chose, selon qu’elle est bonne, et dans cette mesure, est voulue par Dieu. Or, quelque chose peut être, à première vue, considéré en soimême, bon ou mauvais, alors que dans sa connexion avec autre chose, ce qui est une considération conséquente, on voit les choses à l’inverse. Ainsi, qu’un homme vive est bon, tuer un homme est mauvais, si l’on considère la chose en elle-même. Mais si s’ajoute à cela, pour un homme déterminé, que cet homme est un assassin, ou qu’il est un danger pour la collectivité, à ce point de vue il est bon que cet homme soit mis à mort, et il est mauvais qu’il vive. Aussi pourra-t-on dire d’un juge épris de justice : de volonté antécédente il veut que tout homme vive ; mais de volonté conséquente il veut que l’assassin soit pendu. Semblablement, Dieu veut de volonté antécédente que tous les hommes soient sauvés ; mais de volonté conséquente il veut que quelques-uns soient damnés, comme sa justice l’exige.

Cependant, même ce que nous voulons antécédemment nous ne le voulons pas purement et simplement, mais sous un certain aspect. Car la volonté se rapporte aux choses telles qu’elles sont en elles-mêmes : et en elles-mêmes elles sont particularisées. C’est pourquoi nous voulons purement et simplement une chose quand nous la voulons en tenant compte de toutes les circonstances particulières, ce qui est vouloir de volonté conséquente. Par conséquent on peut dire que le juge épris de justice veut purement et simplement que l’assassin soit pendu ; mais sous un certain aspect il voudrait qu’il vive, en tant qu’il est un homme ; ce qu’on peut appeler une velléité plutôt qu’une volonté absolue. Cela fait bien voir que tout ce que Dieu veut de façon absolue se réalise, bien que ce qu’il veut de volonté antécédente ne se réalise pas.

2. Par l’acte de la faculté cognitive le connu est dans le connaissant, tandis que par l’acte de la faculté appétitive, l’opérant est orienté aux choses selon qu’elles sont en elles-mêmes. Or, tout ce qui peut avoir raison d’étant et de vrai est tout entier virtuellement en Dieu ; mais tout cela ne se trouve pas dans les choses créées. Et c’est pourquoi Dieu connaît tout ce qui est vrai, tandis qu’il ne veut pas tout ce qui est bon, si ce n’est selon qu’il se veut lui-même, en qui, virtuellement, tout bien existe.

3. La cause première peut être empêchée de produire son effet par une défaillance de la cause seconde, quand elle n’est pas universellement première, comprenant et se subordonnant toutes les autres causes. Si elle l’était, l’effet ne pourrait en aucune manière se soustraire à son ordination. Et il en est ainsi, nous l’avons dit à l’instant, de la volonté de Dieu.

Article 7

La volonté de Dieu est-elle sujette au changement ?

Objections : 1. Il semble bien, puisque le Seigneur dit dans la Genèse (6, 7 Vg) : “ Je me repens d’avoir créé l’homme. ” Mais celui qui se repent de ce qu’il a fait a une volonté changeante.

2. Jérémie (18, 78) fait dire au Seigneur : “ Tantôt je parle à propos d’une nation et d’un royaume, d’arracher, d’abattre et de détruire ; mais si cette nation contre laquelle j’ai parlé revient de sa méchanceté, alors je me repens du mal que j’avais voulu lui faire. ”

3. Tout ce que Dieu fait, il le fait volontairement ; or Dieu ne fait pas toujours la même chose car à une époque il a prescrit d’observer la loi juive, et à une autre époque il l’a interdit. Donc sa volonté est changeante

4. Nous l’avons établi, Dieu ne veut pas nécessairement ce qu’il veut ; il peut donc vouloir ou ne pas vouloir une même chose. Or, tout ce qui peut ceci ou son opposé est changeant. Par exemple ce qui peut être et ne pas être est changeant quant à sa substance ; ce qui peut être ici et n’y être pas est changeant selon le lieu, etc. Donc Dieu est changeant quant à la volonté.

En sens contraire, il est écrit (Nb 23, 19) : “ Dieu n’est point un homme, pour mentir ; il n’est pas un fils d’homme, pour se repentir. ”

Réponse : La volonté de Dieu est absolument immuable. Mais à cet égard il faut songer qu’autre chose est changer de volonté, autre chose est vouloir le changement de certaines choses. Quelqu’un peut, sa volonté demeurant toujours la même, vouloir que ceci se fasse maintenant, et que le contraire se fasse ensuite. La volonté changerait si quelqu’un se mettait à vouloir ce que d’abord il ne voulait pas, ou à cesser de vouloir ce qu’il voulait d’abord. Cela ne peut arriver que par un changement soit dans la connaissance, soit dans les conditions existentielles de celui qui veut. En effet, la volonté, ayant pour objet le bon, un sujet peut commencer à vouloir une autre chose de deux façons. D’abord, si cette chose commence à être bonne pour lui, et cela n’est pas sans changement de sa part, comme, lorsque le froid arrive, il devient bon de s’asseoir près du feu, ce qui auparavant ne l’était pas. Ou bien le sujet vient à reconnaître que cela lui est bon, alors qu’il l’ignorait auparavant ; car si nous délibérons, c’est pour savoir ce qui nous est bon. Or, on a montré plus haut, que la substance de Dieu et sa science sont absolument immuables l’une et l’autre. Il faut donc que sa volonté, elle aussi, soit absolument immuable.

Solutions : 1. Cette parole doit être comprise comme une métaphore, par comparaison avec nous. Quand nous nous repentons, nous annulons ce que nous avons fait. Toutefois, cela peut se produire sans qu’il y ait de changement dans la volonté ; car un homme, sans que sa volonté change, peut vouloir faire maintenant une chose et, en même temps, se proposer de la détruire ensuite. Ainsi donc on dit que Dieu s’est repenti par assimilation à notre repentir, puisque après avoir fait l’homme, il l’a détruit par le déluge sur la surface de la terre.

2. La volonté de Dieu, Cause première et universelle, n’exclut pas les causes intermédiaires, qui ont en elles la vertu de produire certains effets. Mais parce que les causes intermédiaires toutes ensembles n’égalent pas en vertu la cause première, il y a dans la puissance, la science et la volonté divine, beaucoup de choses qui ne sont pas contenues dans l’ordre des causes inférieures. Telle la résurrection de Lazare. Eu égard aux causes inférieures, quelqu’un pouvait dire : “ Lazare ne ressuscitera pas ” ; le même, considérant la Cause première, Dieu, pouvait dire : “ Lazare ressuscitera. ” Or, Dieu veut ces deux choses : que tel événement soit à venir en raison de sa cause inférieure, et que cependant, il ne soit pas à venir en raison de sa cause supérieure, ou inversement. On doit donc dire que Dieu, quelquefois, prédit un événement selon que cet événement est contenu dans l’ordre des causes secondes, comme sont les dispositions de la nature ou le mérite des hommes ; et cependant cet événement ne se produit pas, parce qu’il en est autrement en vertu de la causalité divine. C’est ainsi que Dieu a prédit à Ézéchias (Is 38,1) : “ Mets en ordre ta maison, car tu vas mourir, tu ne guériras pas. ” Et pourtant cela ne s’est pas produit, parce que depuis l’éternité il en était décidé autrement dans la science et la volonté de Dieu, qui sont immuables. C’est ce que veut dire S. Grégoire quand il écrit que Dieu change sa sentence, mais non pas son conseil, à savoir le conseil de sa volonté. Donc quand Dieu dit : “ Je me repentirai ”, c’est une métaphore, fondée sur ce que les hommes, quand ils ne réalisent pas leurs menaces, semblent s’en repentir.

3. On ne peut pas conclure de cet argument que Dieu ait une volonté changeante, mais qu’il veut des changements.

4. Bien que, si Dieu veut quelque chose, ce vouloir ne soit pas absolument nécessaire, il l’est pourtant conditionnellement, à cause de l’immutabilité des vouloirs divins, comme on l’a dit précédemment.

Article 8

La volonté de Dieu rend-elle nécessaires les choses qu’elle veut ?

Objections : 1. Il semble bien que oui. En effet, S. Augustin affirme : “ Nul n’est sauvé si ce n’est celui dont Dieu veut qu’il soit sauvé. Il faut donc le prier pour qu’il veuille, car s’il l’a voulu, il est nécessaire que cela se produise. ”

2. Toute cause qui ne peut être empêchée produit nécessairement son effet ; car la nature elle-même produit toujours le même effet, à moins que quelque obstacle l’entrave, dit Aristote. Or, la volonté de Dieu ne peut être empêchée ; car l’Apôtre dit (Rm 9, 19) : “ Qui résiste à sa volonté ? ” La volonté de Dieu impose donc sa nécessité aux choses qu’elle veut.

3. Ce qui tient sa nécessité de quelque chose qui lui est antérieur est nécessaire absolument ; ainsi il est nécessaire que l’animal meure, parce qu’il est composé d’éléments qui se contrarient. Or, pour les choses créées par Dieu, la volonté divine est comme quelque chose qui leur est antérieur et dont elles tiennent leur nécessité, car cette proposition conditionnelle est vraie : Si Dieu veut quelque chose, cela est. Or, toute proposition conditionnelle vraie est nécessaire. Il s’ensuit donc que tout ce que Dieu veut est absolument nécessaire.

En sens contraire, toutes les choses bonnes qui sont faites, Dieu veut qu’elles soient faites. Donc, si sa volonté rend nécessaires les choses qu’il veut, il s’ensuit que toutes les choses adviennent nécessairement. De la sorte périssent le libre arbitre, la délibération et tout ce qui s’ensuit.

Réponse : La volonté divine rend nécessaires certaines choses qu’elle veut, mais non pas toutes. Et certains penseurs ont voulu expliquer ce fait par un appel aux causes intermédiaires, en disant : les choses que Dieu produit par des causes nécessaires sont nécessaires ; celles qu’il produit par des causes contingentes sont contingentes. Mais cela ne dit pas assez, semble-t-il, pour deux raisons. Tout d’abord, l’effet d’une cause première est rendu contingent par la cause seconde pour ce motif que son effet est empêché de se produire par la défaillance de celle-ci, comme l’efficacité du soleil est entravée par la défaillance de la plante. Or nulle défaillance de la cause seconde ne peut empêcher la volonté de Dieu de produire son effet. Ensuite, si la distinction entre choses contingentes et choses nécessaires est référée aux seules causes secondes, il s’ensuit qu’elle échappe à l’intention et à la volonté divine, ce qui est inadmissible.

Il est donc mieux de dire que s’il y a des choses auxquelles la volonté divine confère la nécessité, et d’autres auxquelles elle ne la confère pas ; cela provient de l’efficacité de cette volonté. En effet, lorsqu’une cause est efficace, l’effet procède de la cause, non seulement quant à ce qui est produit, mais encore quant à la manière dont cela est produit, ou dont cela est ; c’est en effet l’insuffisante vigueur de la semence qui fait que le fils naisse dissemblable de son père quant aux caractères individuants, qui font sa manière d’être un homme. Donc, comme la volonté divine est parfaitement efficace, il s’ensuit que, non seulement les choses qu’elle veut sont faites, mais qu’elles se font de la manière qu’il veut. Or Dieu veut que certaines choses se produisent nécessairement, et d’autres, de façon contingente, afin qu’il y ait un ordre dans les choses, pour la perfection de l’univers. C’est pourquoi il a préparé pour certains effets des causes nécessaires, qui ne peuvent défaillir, et d’où proviennent nécessairement les effets ; et pour d’autres effets il a préparé des causes défectibles, dont les effets se produisent d’une manière contingente. Ainsi donc, ce n’est pas parce que leurs causes prochaines sont contingentes que des effets voulus par Dieu arrivent de façon contingente, mais c’est parce que Dieu a voulu qu’ils arrivent de façon contingente qu’il leur a préparé des causes contingentes.

Solutions : 1. La nécessité dont parle S. Augustin, dans les choses voulues par Dieu doit être comprise, non comme absolue, mais comme conditionnelle. En effet, il est nécessaire que soit vraie cette proposition conditionnelle : si Dieu veut cela, il est nécessaire que cela soit.

2. Du fait que rien ne résiste à la volonté de Dieu, il s’ensuit non seulement que se réalise ce que Dieu veut, mais aussi que cela se réalise de façon contingente ou nécessaire, selon qu’il l’a voulu ainsi.

3. Être nécessaire en raison de quelque chose d’antérieur, cela s’entend selon le mode de nécessité que confère la chose antérieure. De là vient que les choses qui sont produites par la volonté de Dieu ont la sorte de nécessité que Dieu veut pour elles : c’est-à-dire ou une nécessité absolue, ou une nécessité conditionnelle seulement. Ainsi, toutes les choses ne sont pas nécessaires absolument.

Article 9

Y a-t-il en Dieu la volonté des choses mauvaises ?

Objections : 1. Il semble que Dieu veuille les choses mauvaises. Car toute chose bonne qui est faite, Dieu la veut. Mais il est bon que ces choses mauvaises soient faites, car S. Augustin a dit : “ Bien que les choses mauvaises ne soient pas bonnes, qu’il y ait non seulement des choses bonnes mais aussi des choses mauvaises, cela est bon. ”

2. Denys écrit : “ Le mal concourt à la perfection de l’univers. ” Et, dit S. Augustin : “ La beauté admirable de l’univers résulte de tout son ensemble ; en lui, cela même qu’on appelle mal, ramené à l’ordre et mis à sa place, fait ressortir davantage les choses bonnes, car celles-ci plaisent davantage et sont plus dignes de louange quand on les compare aux mauvaises. ” Mais Dieu veut tout ce qui appartient à la perfection et à la beauté de l’univers ; car c’est cela que Dieu veut surtout dans les créatures. Donc Dieu veut le mal.

3. Dire que les choses mauvaises sont faites et qu’elles ne sont pas faites, ce sont là deux propositions contradictoires. Mais Dieu ne veut pas que les choses mauvaises ne se produisent pas, car il y en a qui sont faites, et de ce fait la volonté de Dieu ne se réaliserait pas toujours. Donc Dieu veut que les choses mauvaises soient faites.

En sens contraire, S. Augustin écrit : “ Ce n’est jamais par l’action d’un sage qu’un homme est avili ; or Dieu l’emporte sur le plus sage des hommes. Encore beaucoup moins donc Dieu n’est cause que quelqu’un soit avili. Or dire que Dieu est cause, c’est dire qu’il veut. ” Ce n’est donc pas par la volonté de Dieu qu’un homme devient vil. Donc Dieu ne veut pas le mal.

Réponse : Nous le disions plus haut, la raison formelle de “ bon ” est d’être attirant, et le mauvais est l’opposé du bon. Il est donc impossible qu’une chose mauvaise, en tant que telle, soit attirante, “ appétible ”, qu’il s’agisse de l’appétit naturel, de l’appétit animal ou de l’appétit intellectuel, qui est la volonté. Mais un mal peut devenir attirant par accident, en tant qu’il résulte d’une chose bonne. Et cela se voit, quelque espèce d’appétit que l’on considère. Car un agent naturel ne tend jamais à la privation de la forme ou à la destruction totale, mais à une forme à laquelle est liée la privation d’une autre forme ; il veut la génération d’une réalité, génération qui ne se fait pas sans la corruption de la précédente. Le lion, qui tue un cerf, cherche sa nourriture, ce qui entraîne la mise à mort d’un animal. De même, le fornicateur cherche la jouissance, à laquelle est liée la difformité de la faute.

Or, le mal qui est lié à un bien est la privation d’un autre bien. Jamais donc le mal n’attirerait l’appétit, même accidentellement, si le bien auquel est lié le mal n’attirait pas davantage que le bien dont le mal est la privation. Or, Dieu ne veut aucun bien plus que sa propre bonté ; il veut pourtant tel bien plus que tel autre bien. “ En conséquence le mal de faute qui prive la créature de son ordination au bien, Dieu ne le veut en aucune manière. ” Mais le mal qui est une déficience de la nature, ou le mal de peine, Dieu le veut en voulant quelque bien auquel est lié un tel mal. Par exemple, en voulant la justice, il veut la peine du coupable, et en voulant que soit gardé l’ordre de nature, il veut que par un effet de nature certains êtres soient détruits.

Solutions : 1. Certains ont dit : Dieu ne veut pas les choses mauvaises, mais il veut que des choses mauvaises soient ou soient faites. Ils disaient cela parce que les choses qui, en soi, sont mauvaises, sont ordonnées à quelque bien, et ils croyaient que cette ordination au bien était comprise dans l’affirmation que des choses mauvaises sont ou sont faites. Mais cela n’est pas exact. Car si le mal est ordonné au bien, ce n’est pas par lui-même, c’est par accident. En effet, il n’est pas dans l’intention du pécheur qu’un bien sorte de son péché, les tyrans ne se proposaient pas de faire briller la patience des martyrs. On ne peut donc pas dire que cette ordination au bien soit incluse dans la formule par laquelle on déclare bon que le mal soit ou se produise ; car rien ne se juge d’après ce qui lui convient par accident, mais d’après ce qui lui convient par soi-même.

2. Le mal ne concourt à la perfection et à la beauté de l’univers que par accident, comme on vient de le dire. Aussi bien, quand Denys dit que le mal contribue à la perfection de l’univers il donne cela comme la conclusion inacceptable à laquelle aboutirait la position qu’il critique.

3. Que les choses mauvaises soient faites, et qu’elles ne soient pas faites, ce sont deux propositions contradictoires ; mais vouloir que les choses mauvaises soient faites et vouloir qu’elles ne le soient pas ne s’opposent pas car il s’agit là de deux propositions affirmatives. Dieu, en effet, ne veut ni que les choses mauvaises soient faites ni qu’elles ne soient pas faites, mais il veut permettre qu’elles soient faites.

Article 10

Dieu a-t-il le libre arbitre ?

Objections : 1. Il semble que non, car S. Jérôme nous dit : “ Dieu est le seul en qui le péché ne se trouve et ne puisse se trouver ; les autres, ayant le libre arbitre, peuvent se porter vers le bien ou vers le mal. ”

2. Le libre arbitre est une faculté de raison et de volonté, par laquelle nous choisissons le bien et le mal. Or Dieu ne veut pas le mal, on vient de le dire ; il n’a donc pas le libre arbitre.

En sens contraire, S. Ambroise écrit : “ L’Esprit Saint distribue à chacun ses dons comme il veut, c’est-à-dire selon le libre arbitre de sa volonté, non par soumission à la nécessité. ”

Réponse : Nous avons le libre arbitre à l’égard des choses que nous ne voulons ni nécessairement, ni par un instinct de nature. Car il n’appartient pas au libre arbitre, mais à l’instinct naturel, que nous voulions être heureux. Aussi ne dit-on pas des autres animaux, qui sont mûs vers quelque objet que ce soit par instinct naturel, qu’ils agissent par libre arbitre. Donc, comme Dieu veut nécessairement sa propre bonté, mais non les autres choses, comme on l’a montré, il possède le libre arbitre à l’égard de tout ce qu’il ne veut pas nécessairement.

Solutions : 1. Il semble que S. Jérôme écarte de Dieu le libre arbitre, non purement et simplement, mais seulement quant à ce qui est de verser dans le péché.

2. Puisque le mal de faute consiste dans le rejet de la volonté divine, en raison de laquelle Dieu veut tout ce qu’il veut, comme on l’a montré, il est manifestement impossible que Dieu veuille le mal de faute. Et pourtant il est libre à l’égard des contraires, en tant qu’il peut vouloir que ceci soit ou ne soit pas. C’est ainsi que nous-mêmes, sans pécher, nous pouvons vouloir nous asseoir, et ne pas le vouloir.

Article 11

Doit-on distinguer en Dieu une volonté de signe ?

Objections : 1. Il semble que non ; car la science de Dieu, aussi bien que la volonté de Dieu, est cause des choses. Mais on ne parle pas de signes du côté de la science divine. Donc on ne doit pas en admettre pour sa volonté.

2. Tout signe qui ne concorde pas avec la chose signifiée est faux. Donc, si les signes de la volonté divine ne concordent pas avec la volonté divine, ils sont faux ; s’ils concordent ils sont inutiles.

En sens contraire, la volonté de Dieu est unique, étant identique à son essence. Pourtant elle est parfois signifiée au pluriel, comme quand on dit avec le Psaume (111, 2 Vg) : “ Les œuvres de Dieu sont grandes, conformes à toutes ses volontés. ” Il faut donc parfois prendre pour la volonté même de Dieu un signe de sa volonté.

Réponse : Comme on a pu le voir plus haut, ce que nous disons de Dieu est pris tantôt dans un sens propre, tantôt par métaphore. Quand, par métaphore, nous attribuons à Dieu des passions humaines, c’est à cause de la ressemblance des effets. De là vient que ce qui serait en nous le signe de telle passion est attribué métaphoriquement à Dieu sous le nom de cette passion. Ainsi les gens irrités ont coutume de punir, si bien que l’acte de punir est un signe de colère ; c’est pour cette raison que l’acte de punir, quand il est attribué à Dieu, est signifié par le mot “ colère ”. De même, ce qui est en nous le signe d’une volonté est appelé parfois métaphoriquement, en Dieu, une volonté. Par exemple, si un homme ordonne quelque chose, c’est un signe qu’il veut que cette chose soit faite ; pour cette raison, le précepte divin est parfois appelé, par métaphore, une volonté de Dieu, ainsi : “ Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. ” Mais il y a cette différence entre la volonté et la colère, que la colère n’est jamais attribuée à Dieu au sens propre, parce que dans sa signification principale elle inclut la passion ; au contraire, la volonté est attribuée au sens propre à Dieu. C’est pourquoi, en Dieu, on distingue une volonté au sens propre et une volonté au sens métaphorique. La volonté proprement dite est appelée volonté de bon plaisir, et la volonté métaphorique est appelée volonté de signe, parce que le signe d’une volonté est pris en ce cas pour la volonté même.

Solutions : 1. La science de Dieu n’est cause des choses qui sont faites que par l’intermédiaire de la volonté ; car les choses que nous avons dans l’esprit par la connaissance, nous ne les faisons que si nous les voulons. C’est pourquoi on n’attribue pas de signe à la science comme à la volonté.

2. Si les signes du vouloir sont nommés “ volontés de Dieu ”, ce n’est pas parce qu’ils sont le signe de ce que Dieu veut ; mais les choses qui sont en nous le signe que nous voulons sont appelées en Dieu (par métaphore) “ volontés de Dieu ”. Ainsi, la punition n’est pas signe qu’il y ait en Dieu de la colère ; mais l’acte de punir, du fait qu’il est en nous signe de colère, est appelé chez Dieu “ colère ”.

Article 12

Convient-il de proposer cinq signes de la volonté divine ?

Objections : 1. Il ne semble pas qu’il convienne de proposer, concernant la volonté divine, les cinq signes que sont : la prohibition, le précepte, le conseil, l’opération et la permission. Car les choses mêmes que Dieu prescrit ou nous conseille, il les opère parfois en nous, et ce qu’il prohibe, il le permet parfois : on ne devrait donc pas opposer ces termes dans une division.

2. Dieu ne fait rien sans le vouloir d’après le livre de la Sagesse (Il, 25) ; or la volonté de signe est distincte de la volonté de bon plaisir. Donc l’opération ne doit pas se ranger sous la volonté de signe.

3. L’opération et la permission concernent toutes les créatures, car à l’égard de tout, Dieu agit et permet certaines choses ; au contraire, le précepte, le conseil et la prohibition ne s’adressent qu’à la créature raisonnable ; tous ces termes, qui n’appartiennent pas au même ordre de choses, ne devraient donc pas figurer ensemble dans une même division.

4. Le mal se produit de façon plus diverse que le bien ; car le bien se réalise d’une seule manière, alors que le mal est multiforme, ainsi que l’observent Aristote et Denys ; il ne convient donc pas de consacrer au mal un signe seulement : la prohibition, alors que deux concernent le bien : le conseil et le précepte.

Réponse : Les signes en question sont ceux par lesquels nous avons coutume de manifester nos vouloirs. En effet, quelqu’un peut déclarer qu’il veut une chose, ou par soimême ou par un autre. Par soi-même, en faisant quelque chose soit directement, soit indirectement et par accident. Directement, s’il opère par lui-même quelque chose, et à cet égard l’opération est dite signe.

Indirectement s’il n’empêche pas un autre d’agir ; car celui qui écarte un empêchement est dit mouvoir indirectement et par accident, ainsi que l’explique Aristote. A cet égard, est dite signe la permission. Par un autre quelqu’un déclare qu’il veut quelque chose : soit par une intimation formelle qui l’oblige, ce qui se fait en prescrivant ce que l’on veut, et en prohibant le contraire ; soit par la persuasion, ce qui relève du conseil.

Donc, puisque ce sont là les cinq manières dont quelqu’un déclare qu’il veut quelque chose, on leur donne parfois le nom de “ volontés divines ”, en tant qu’ils sont signes de cette volonté. En effet, que le précepte, le conseil et la prohibition soient appelés volontés de Dieu, c’est ce qu’on voit en S. Matthieu (6, 10) : “ Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. ” Que la permission ou l’action soient appelées volontés de Dieu, on le voit par ces paroles de S. Augustin : “ Rien ne se fait si ce n’est ce que le Tout-Puissant veut que ce soit fait, soit en laissant faire, soit en faisant lui-même. ”

Il est vrai qu’on peut dire aussi : La permission et l’opération se réfèrent au présent, permission s’il s’agit du mal, opération s’il s’agit du bien ; à l’avenir au contraire se rapportent, s’il s’agit du mal, la prohibition ; s’il s’agit du bien nécessaire, le précepte ; s’il s’agit du bien surérogatoire, le conseil.

Solutions : 1. Rien n’empêche qu’au sujet de la même chose on déclare de diverses façons sa volonté ; dans la langue aussi, il y a bien des synonymes. Rien ne s’oppose donc à ce qu’une même chose soit objet de précepte, d’opération, de prohibition ou de permission.

2. De même que, par métaphore, on peut signifier que Dieu veut une chose qu’il ne veut pas à proprement parler, de même on peut, par métaphore, signifier qu’il veut une chose qu’il veut vraiment. Rien n’empêche donc qu’à l’égard du même objet il y ait et une volonté de bon plaisir et une volonté de signe. Mais l’opération est toujours identique à la volonté de bon plaisir, et non pas le précepte ni le conseil ; la raison en est d’abord que l’opération est au présent, alors que le précepte et le conseil regardent l’avenir ; ensuite l’opération est par elle-même un effet de la volonté ; le précepte et le conseil n’en sont l’effet que par intermédiaire, ainsi qu’on vient de le dire.

3. La créature raisonnable est maîtresse de ses actes, et c’est pourquoi on relève à son sujet des signes particuliers de la volonté divine, selon que Dieu destine cette créature à agir volontairement et par elle-même. Les autres créatures, au contraire, n’agissent que mues par l’opération divine, et c’est pourquoi, touchant ces autres créatures, on ne signale que l’opération et la permission.

4. Le mal de faute, bien qu’il se produise de multiples manières, a toujours ceci de commun qu’il est contraire à la volonté de Dieu, et c’est pour cela qu’un seul signe s’y rapporte : la prohibition. Au contraire, les biens ont avec la bonté divine des rapports divers ; car il en est sans lesquels nous ne pouvons accéder au partage de la bonté divine, et à leur égard il y a le précepte. Il en est d’autres par lesquels nous y accédons de manière plus parfaite et ils sont l’objet du conseil. On peut dire encore que le conseil ne regarde pas seulement les meilleurs biens à obtenir, mais aussi les moindres maux à éviter.