Question 117

CE QUI CONCERNE L’ACTION DE L’HOMME

Nous devons étudier maintenant ce qui concerne l’action de l’homme, qui est une créature composée d’esprit et de matière. Nous considérerons d’abord l’action de l’homme (Q. 117) ; puis la propagation de celui-ci (Q. 118-119).

1. Un homme peut-il instruire un autre homme, en causant chez lui la science ? - 2. Un homme peut-il instruire un ange ? - 3. L’homme peut-il par la puissance de son âme modifier la matière corporelle ? - 4. L’âme humaine séparée peut-elle imprimer aux corps un mouvement local ?

Article 1

Un homme peut-il instruire un autre homme, en produisant en lui la science ?

Objections : 1. Il ne semble pas. Le Seigneur dit en effet (Mt 23, 8) : " Ne vous faites pas appeler maîtres. " Et on lit dans la Glose de S. Jérôme : " N’attribuez pas aux hommes un honneur divin. " Être maître concerne donc proprement l’honneur divin. Or instruire est le propre du maître. L’homme ne peut donc pas instruire : c’est le propre de Dieu.

2. Si un homme en instruit un autre, c’est seulement parce qu’il agit par sa science pour causer la science chez l’autre. Mais la qualité par laquelle quelqu’un agit pour produire quelque chose de semblable à lui est une qualité active. Il s’ensuit que la science est une qualité active, comme la chaleur.

3. L’acquisition de la science requiert une lumière intelligible, et l’espèce de la chose connue : Mais l’homme ne peut produire chez un autre ni l’une ni l’autre. L’homme ne peut donc pas, en enseignant, produire la science chez un autre.

4. Le docteur ne peut faire plus, pour son disciple, que de lui proposer certains signes, en exprimant quelque chose par des mots ou par des gestes. Mais, en proposant ces signes, on ne peut pas instruire un autre en causant en lui la science ; en effet, on lui propose des signes ou bien de choses déjà connues, ou bien de choses inconnues. S’il s’agit de choses déjà connues, celui à qui les signes sont présentés possède déjà la science ; il ne la reçoit donc pas du maître. S’il s’agit de choses inconnues, il n’apprend rien grâce à ces signes ; imaginons que l’on propose à un latin des mots grecs, dont celui-ci ignore la signification : par cette méthode on ne pourrait rien lui apprendre. L’homme ne peut donc en aucune manière en instruire un autre en causant en lui la science.

En sens contraire, S. Paul dit (1 Tm 2, 7) : " Dans le Christ, j’ai été établi prédicateur et Apôtre, docteur des nations pour la foi et la vérité. "

Réponse : A ce sujet il y a eu diverses opinions. Averroès affirma qu’il n’y avait qu’un seul intellect pour tous les hommes, nous en avons déjà parlé ; il s’ensuivrait que tous les hommes ont les mêmes espèces intelligibles. Averroès en concluait qu’un homme ne peut causer dans un autre, par son enseignement, une autre science que la sienne propre ; il ne peut que communiquer la science qu’il possède lui-même, en portant l’autre à ordonner les images dans son âme afin qu’elles soient convenablement disposées en vue de l’appréhension intelligible. Cette opinion a ceci de vrai que c’est la même science qui se trouve chez le disciple et chez le maître, si nous situons l’identité dans l’unicité de la chose connue : c’est bien la même vérité réelle qui est connue par le disciple et par le maître. Mais cette opinion est fausse lorsqu’elle affirme qu’il existe un seul intellect pour tous les hommes, et les mêmes espèces intelligibles, qui différeraient seulement par la diversité des images ; nous avons vu cela antérieurement.

Les platoniciens tenaient une autre opinion pour eux, la science, dès l’origine, est dans nos âmes, par participation des formes séparées, comme nous l’avons vu. Mais l’âme est empêchée, par son union avec le corps, de considérer librement les choses dont elle possède la science. A ce compte, le disciple n’acquiert pas une science nouvelle qui lui viendrait de son maître, mais celui-ci l’excite à considérer les choses dont il a déjà la connaissance ; apprendre ne serait donc pas autre chose que se rappeler. Ils affirmaient ainsi que les agents naturels nous disposent seulement à recevoir les formes que la matière corporelle acquiert en participant aux espèces séparées (ou idées subsistantes). Mais nous avons montré, au contraire, que l’intellect possible de l’âme humaine est en puissance pure par rapport aux choses intelligibles, selon Aristote.

Aussi faut-il parler autrement, et dire que l’enseignant cause la science chez l’enseigné, en le faisant passer de la puissance à l’acte, comme dit encore Aristote. Pour en être persuadés, nous devons observer que, parmi les effets dérivant d’un principe extérieur, il y en a qui dérivent seulement de ce principe ; ainsi la forme d’une maison est produite dans la matière uniquement par l’art de l’architecte. Mais il y a un effet qui dépend tantôt d’un principe extérieur, tantôt d’un principe intérieur ; ainsi la santé est causée chez le malade tantôt par un principe extérieur, qui est l’art médical, tantôt par un principe intérieur, comme lorsqu’on est guéri par la force de la nature. Dans de pareils effets il faut observer deux points. D’abord, que l’art imite la nature dans sa manière d’agir ; en effet, la nature guérit le malade en altérant, en digérant, ou en expulsant la matière qui cause la maladie ; c’est ainsi que l’art médical opère. Ensuite, il faut observer que le principe extérieur, c’est-à-dire l’art, n’agit pas de la même manière que l’agent principal, mais comme un auxiliaire qui seconde cet agent principal (le principe intérieur) en le fortifiant, et en lui procurant les instruments et les secours dont la nature se sert pour produire ses effets ; c’est ainsi que le médecin fortifie la nature et lui procure les aliments et les remèdes quelle emploie pour atteindre sa fin.

L’homme acquiert la science et par un principe intérieur, comme on le constate chez celui qui acquiert la science par découverte personnelle ; et par un principe extérieur, comme on le voit chez celui qui reçoit l’enseignement. En tout homme, en effet, il y a un principe de science : la lumière de l’intellect agent, par laquelle l’homme connaît dès l’origine, naturellement, quelques principes universels de toutes les sciences. Mais lorsqu’il applique ces principes universels à des réalités particulières, dont il reçoit par les sens le souvenir et l’expérience, il acquiert par sa propre découverte la science de ce qu’il ignorait : il va du connu à l’inconnu. C’est pourquoi le docteur, partant de ce que connaît son disciple, le conduit à la connaissance des choses qu’il ignorait, selon ce que dit Aristote : " Tout enseignement et toute discipline se fait à partir d’une connaissance préalable. "

Le maître conduit son disciple du connu à la connaissance de l’inconnu de deux manières. D’une part, en lui proposant des aides ou des instruments, afin que son intelligence s’en serve pour acquérir la science ; par exemple lorsqu’il lui expose quelques propositions moins universelles, que l’élève peut juger en vertu de ce qu’il sait déjà, ou quand il lui propose quelques exemples sensibles, ou semblables ou opposés, ou d’autres moyens par lesquels l’intelligence de l’élève est conduite à la connaissance de la vérité inconnue. D’autre part il fortifie l’intelligence du disciple non pas en lui communiquant une vertu active, comme s’il avait une nature supérieure (nous l’avons dit plus hauti en parlant de l’illumination des anges, car toutes les intelligences humaines sont du même degré dans l’ordre de la nature), mais en montrant au disciple l’ordre entre les principes et les conclusions. Car, par lui-même, le disciple n’aurait peut-être pas une puissance de raisonnement suffisante pour déduire les conclusions de leurs principes. C’est pourquoi Aristote dit : " La démonstration est un syllogisme qui engendre la science. " C’est par cette méthode d’exposition que l’on rend savant l’auditeur.

Solutions : 1. Comme nous venons de le dire, l’homme qui enseigne n’exerce qu’un ministère extérieur, comme le médecin qui soigne ; mais, de même que la nature intérieure est la cause principale de la guérison, de même la lumière de l’intelligence est la cause principale de la science. L’une et l’autre viennent de Dieu. C’est pourquoi, de même qu’on dit de Dieu (Ps 103, 3) " qu’il guérit toutes nos infirmités ", de même on dit de lui (Ps 94, 10) " qu’il enseigne aux hommes la science ", en tant que (Ps 4, 7) " la lumière de son visage brille sur nous " par laquelle toute chose est manifestée.

2. Le maître ne cause pas la science de son disciple à la manière d’un agent naturel, comme l’objecte Averroès. Il n’est donc pas nécessaire que sa science soit une qualité active ; elle est le principe qui dirige l’élève dans son travail.

3. Le maître ne produit pas la lumière intelligible dans son disciple, ni ne lui communique directement les espèces intelligibles ; mais par son enseignement il pousse son disciple à former lui-même par la puissance de son esprit les conceptions intelligibles dont le maître lui propose des signes extérieurs.

4. Les signes que le maître communique à son disciple sont ceux de choses connues d’une manière universelle et de façon confuse, mais qui demeurent inconnues en ce qui concerne le détail et une distinction précise. C’est pourquoi, quand un homme acquiert la science par lui-même, on ne peut pas dire qu’il enseigne à lui-même ou qu’il est son propre maître, parce que ce qui préexiste en lui n’est pas une science complète comme celle qui est requise du maître.

Article 2

Les hommes peuvent-ils instruire les anges ?

Objections : 1. Il semble que oui. S. Paul dit en effet (Ep 3, 10) : " Que les Principautés et les Puissances célestes aient maintenant connaissance, par le moyen de l’Église, de la sagesse infinie en ressources déployée par Dieu. " Or l’Église, c’est l’assemblée des hommes croyants. Les anges apprennent donc certaines choses grâce aux hommes.

2. Les anges supérieurs, qui sont illuminés par Dieu sans intermédiaires sur les choses divines, peuvent instruire les anges inférieurs, nous l’avons vu. Mais il y a quelques hommes qui sont instruits, au sujet des choses divines, immédiatement par le Verbe de Dieu, surtout les Apôtres, comme dit la lettre aux Hébreux (1, 1) : " Tout récemment, de nos jours, Dieu a parlé par son Fils. " Donc quelques hommes ont pu enseigner certains anges.

3. Les anges inférieurs sont instruits par les anges supérieurs. Mais il y a des hommes qui sont supérieurs à certains anges, puisque, selon S. Grégoire, des hommes sont élevés jusqu’aux ordres supérieurs des anges. Il y a donc des anges inférieurs qui peuvent être instruits des choses divines par certains hommes.

En sens contraire, Denys assure que " toutes les illuminations divines parviennent aux hommes par l’intermédiaire des anges ".

Réponse : Comme nous l’avons vu précédemment, les anges inférieurs peuvent bien parler aux anges supérieurs ; c’est-à-dire qu’ils leur font connaître ce qu’ils pensent ; mais les anges supérieurs ne sont jamais éclairés par les inférieurs sur les choses divines. Or il est manifeste que les hommes les plus élevés sont au-dessous des anges, même les plus bas, de la même manière que les anges inférieurs sont au-dessous des anges supérieurs. Cela résulte en effet de ce que dit le Seigneur (Mt 11, 11) : " Parmi les enfants des femmes, il n’en est pas apparu de plus grand que Jean-Baptiste ; mais le moindre de ceux qui sont dans le royaume des cieux est plus grand que lui. " Ainsi donc les anges ne sont jamais éclairés par les hommes au sujet des choses divines. Mais les hommes peuvent manifester aux anges les pensées de leur cœur par mode de langage.. puisque Dieu seul connaît les secrets des cœurs.

Solutions : 1. Voici comment S. Augustin explique ce passage de S. Paul. L’Apôtre avait dit d’abord (Ep 3, 8) : " A moi, le moindre de tous les saints, a été confiée cette grâce d’éclairer tous les hommes au sujet de la dispensation du mystère caché depuis des siècles en Dieu. " " Caché, écrit S. Augustin mais de telle sorte que la sagesse de Dieu, infinie en ressources, était connue des Principautés et des Puissances dans les cieux, grâce à l’Église. " Comme s’il disait : Ce mystère était caché aux hommes, de telle sorte cependant qu’il était connu " depuis des siècles, non avant les siècles, par l’Église céleste qui réside dans les Principautés et les Puissances, parce que l’Église se trouvait primitivement, là où, après la Résurrection, notre Église de la terre, l’Église des hommes, sera rassemblée. "

On pourrait dire autrement : " Ce qui est caché n’est pas seulement révélé, en Dieu, aux anges, mais cela leur apparaît aussi ici-bas, quand cela s’accomplit et devient visible à tous ", comme S. Augustin l’ajoute dans ce même passage. Et ainsi, tandis que les Apôtres réalisaient les mystères du Christ et de l’Église, certains éléments de ces mystères apparurent aux anges, alors qu’ils leur étaient auparavant cachés. De cette manière on peut comprendre la parole de S. Jérôme : " Quand les Apôtres prêchèrent, les anges connurent certains mystères ", parce que, grâce à la prédication des Apôtres, ces mystères s’accomplissaient dans la réalité même ; ainsi, tandis que l’Apôtre Paul prêchait, les nations se convertissaient ; c’est de cela que l’Apôtre parle ici.

2. Les Apôtres étaient instruits immédiatement par le Verbe de Dieu, non selon sa Divinité, mais en tant que son humanité leur parlait. Donc l’objection ne porte pas.

3. Certains hommes sont plus grands que certains anges, même dans l’état de la vie terrestre, non pas en acte, mais en puissance ; en tant qu’ils possèdent une telle force de charité qu’ils pourraient mériter un degré de béatitude supérieur à celui que possèdent certains anges. Comme si nous disions que la semence d’un grand arbre est plus grande en puissance qu’un petit arbre, bien qu’elle soit bien moindre en acte ?

Article 3

L’homme peut-il par la puissance de son âme modifier la matière corporelle ?

Objections : 1. Cela paraît possible. S. Grégoire dit en effet : " Les saints accomplissent des miracles tantôt par leurs prières, tantôt par leur puissance ; comme S. Pierre qui ressuscita par sa prière Tabitha morte, mais livra à la mort, par un reproche violent, Ananie et Saphire, qui mentaient. " Or, dans l’accomplissement des miracles se réalise une transformation de la matière corporelle. Les hommes peuvent donc modifier la matière corporelle par la puissance de leur âme.

2. Au sujet du texte de S. Paul aux Galates (3, 1 Vg) : " Qui vous a fascinés au point de vous détourner de la vérité ? " la Glose ordinaire dit que " certains ont des yeux brûlants qui, par leur seul regard, transpercent les autres, surtout les enfants ". Cela ne serait pas possible si la puissance de l’âme n’était pas capable de modifier la matière corporelle. Donc les hommes peuvent, par la puissance de leur âme, modifier la matière corporelle.

3. Le corps humain est plus noble que les autres corps inférieurs. Mais par la simple perception de l’âme humaine, le corps humain peut s’échauffer ou se refroidir, comme on le voit chez les hommes en proie à la colère ou à la peur. Parfois même cette altération va jusqu’à la maladie et à la mort. Donc, à plus forte raison l’âme de l’homme peut-elle, par sa puissance, modifier la matière corporelle.

En sens contraire, S. Augustin dit que " la matière corporelle n’est entièrement soumise qu’à Dieu ".

Réponse : Comme nous l’avons dit, la matière corporelle n’est modifiée pour recevoir sa forme que par un agent composé de matière et de forme ; ou bien par Dieu lui-même, en qui la matière et la forme préexistent virtuellement, comme dans la cause primordiale de l’une et l’autre. C’est pourquoi nous avons dit au sujet des anges qu’ils ne peuvent pas modifier la matière corporelle par leur puissance naturelle, sauf en utilisant des agents corporels pour produire certains effets. A plus forte raison l’âme est-elle incapable, par sa puissance naturelle, de modifier la matière corporelle, sauf par l’intermédiaire de quelques corps.

Solutions : 1. Quand on dit que les saints opèrent des miracles, c’est par la puissance de la grâce, non par celle de la nature. Cela est mis en évidence par cette parole de S. Grégoire au même endroit : " Quoi d’étonnant à ce que ceux qui ont la puissance de fils de Dieu, selon S. Jean, aient le pouvoir d’accomplir des miracles ? "

2. La cause de cette fascination, selon Avicenne, réside en ce que la matière corporelle est faite pour obéir à la substance spirituelle plutôt qu’aux agents contraires de la nature. C’est pourquoi, quand l’âme a une forte imagination, la matière corporelle change pour s’y conformer. Et il dit que la fascination du regard s’explique ainsi. Mais nous avons montré précédemment que la matière corporelle n’est totalement soumise à aucune autre substance spirituelle qu’au seul Créateur. Il est donc préférable de dire que, par suite d’une forte puissance imaginative de l’âme, les esprits du corps qui lui est uni, sont modifiés. Cette modification s’opère surtout dans les yeux, où parviennent les esprits les plus subtils. Mais les regards infectent l’air jusqu’à une distance déterminée. C’est pour cela que, d’après Aristote x. les miroirs, s’ils sont neufs et purs contractent une certaine impureté sous le regard de la femme qui a ses règles.

Ainsi donc, quand une âme est fortement poussée au mal, comme cela arrive davantage chez les vieilles sorcières, le regard devient venimeux et nuisible, surtout pour les enfants, qui ont un corps délicat et impressionnable. Il est possible aussi que, par la permission de Dieu, ou à la suite d’un événement caché, la malignité des démons, avec qui les vieilles magiciennes ont fait un pacte, y contribue.

3. L’âme s’unit au corps humain comme sa forme, et l’appétit sensitif, qui obéit plus ou moins à la raison, est l’acte d’un organe corporel, nous l’avons dit antérieurement. C’est pourquoi il est forcé qu’une perception de l’âme humaine ébranle l’appétit sensitif et s’accompagne d’un certain mouvement corporel. Mais, pour modifier des corps extérieurs, la perception de l’âme humaine ne suffit pas, à moins qu’elle ne soit accompagnée de quelque modification de son propre corps, comme nous venons de le dire.

Article 4

L’âme humaine séparée peut-elle imprimer aux corps un mouvement local ?

Objections : 1. Il semble que l’âme humaine séparée puisse mouvoir des corps, au moins localement. En effet, le corps obéit naturellement à la substance spirituelle pour le mouvement local, comme nous l’avons vu. Mais l’âme séparée est une substance spirituelle. Elle peut donc à son commandement mouvoir des corps extérieurs.

2. Dans " l’Itinéraire de Clément ", il est dit, dans un récit de Nicétas à S. Pierre, que Simon le Magicien retenait dans son corps, par des opérations magiques, l’âme d’un enfant qu’il avait tué, et par laquelle il accomplissait des œuvres magiques. Mais cela ne pouvait pas se réaliser sans quelque transformation des corps, au moins localement. L’âme séparée du corps a donc le pouvoir de mouvoir localement les corps.

En sens contraire, Aristote dit que " l’âme ne peut mouvoir aucun corps en dehors du sien propre ".

Réponse : L’âme séparée ne peut, par sa puissance naturelle, mouvoir un corps. Évidemment, quand l’âme est unie au corps, elle ne peut le mouvoir que s’il est vivifié. C’est pourquoi, si un membre du corps meurt, il n’obéit plus à l’âme pour le mouvement local. Or, il est évident qu’aucun corps n’est vivifié par une âme séparée. Aussi aucun corps ne lui obéit-il pour le mouvement local par la puissance de sa nature ; seule la vertu divine peut lui conférer un pouvoir supérieur.

Solutions : 1. Il y a des substances spirituelles dont les pouvoirs ne sont pas limités à certains corps ; tels les anges, qui sont, par nature, démunis de corps. C’est pourquoi divers corps peuvent leur obéir quant au mouvement. Si pourtant la puissance motrice de quelque substance séparée est naturellement ordonnée à mouvoir tel corps, cette substance ne pourra pas en mouvoir un plus grand, mais seulement un moindre ; c’est ainsi que, selon les philosophes, le moteur du ciel inférieur ne pourrait pas mouvoir le ciel supérieur. Aussi, puisque l’âme, par sa nature, est déterminée à mouvoir le corps dont elle est la forme, elle ne peut mouvoir aucun autre corps par sa puissance naturelle.

2. Comme disent S. Augustin et S. Jean Chrysostome,. les démons se firent souvent passer pour les âmes des morts afin de confirmer l’erreur des païens qui avaient cette croyance. C’est pourquoi on peut croire que Simon le Magicien était trompé par quelque démon qui se faisait passer pour l’âme de l’enfant tué par lui.